La coupe du monde, les Bleus, la débâcle...pourquoi faut pas s'en faire
« L’attitude de l’Equipe de France a nui à
l’image du football français »Mmm…mou. Banal
« L’équipe de France nuit à l’image de la
France» Mmm…mmouais.
« La France a nui à l’image de la coupe du
Monde » ha bah voilà! J’ai lu ça tout à l’heure ! Quelqu’un l’a
vraiment dit.
Rassurons les familles : je crois que la coupe du
monde va s’en remettre. Je suis confiant. Mais en lisant cela on se dit que la France
a quand même quelque raison d’avoir une certaine idée de la France : pourquoi
aller à la coupe du monde si c’est pour perdre sans faire d’histoires ? Qui
l’a crée la coupe du monde, d’abord?
En ces temps troublés –c’est la coupe du monde, quand
même ! - les media, les observateurs, les spécialistes du football, et
même les dirigeants politiques spécialistes de football comme de cigares, bref tout le monde la joue
en bloc-équipe soudé. Ca percute dans la profondeur.
Certes, il est possible que nous manquions un peu de lucidité dans la dernière
tournée de Ricard ; voire même que nous manquions de profondeur sur le
terrain de la rigueur analytique. Mais la vérité c’est que nous débattons
petit-bras ; tout cette histoire me reste sur le cœur , il faut que ça sorte. L'ambiance entre joueurs, les errements tactiques du sélectionneur...c’est bien
gentil, mais je pense que c’est sous l’angle de la grande tradition historique
nationale qu’il faut analyser le petit faux-pas des Bleus. Parce qu’il faut
bien le dire : en matière de débâcle, de défaite et autre "désastre moral", on en connait un rayon.
"Psychodrame"? Putain, mais non, c'est une tragédie en tout point conforme à notre rang et à nos traditions
ancestrales. Car enfin pourquoi la Grande Nation rompue à l’écroulement de ses
institutions et à l’envahissement de ses propres pelouses se contenterait-elle
d'une honorable défaite en 8eme ou en quart de finale ? Et pourquoi s'embêter à
lutter dans une phase de poule qu'Elle ne dominerait pas de la tête et des
épaules? Pourquoi prendre le risque de sortir de la coupe au
"goal-average"??! La France n'est pas la Corée, l'Australie ou la
Slovénie! Ces nations respectables choisissent de profiter de leur défaite à
coup de hors-jeu de 50cm, de tirs sur poteaux ronds... Pfff...Bonne conscience,
pas de vague, on fera mieux la prochaine fois, pardon de vous avoir dérangé...Mais
est-ce que tout cela constitue une véritable ambition nationale ?
La France bat l'Irlande 2-0 pour se qualifier en
coupe du monde? 10 minutes à la pause clope et on est tous d’accord. Un but de
la main ? Une épopée verbale et un début d’incident diplomatique! On en
parlera encore dans 20 ans! Dans la suite logique de cette qualification et des
médiocres matchs amicaux précédents la compétition, le O-O initial nous
laissait quand même peu d'espoirs pour la suite. Un choix s'offrait à nous, et je
reste persuader que nous avons fait le bon : une défaite honorable prépare
moins l’avenir qu’une bonne débâcle!
Il existe 5 façons pour une équipe de terminer une
coupe du monde : une défaite honorable ; une défaite sans gloire ; la victoire
finale ; une défaite glorieuse ; une déroute complète, totale, lamentable, sans
précédent. Soyons clair : la France ne peut pas , à moins de renier son
passé, envisager sereinement les deux premiers cas de figure. Si le malheur
arrive, chacun luttera de toutes ses forces pour transfigurer la défaite
anonyme en cataclysme et la défaite pavée de bonnes intentions en route
peuplée de coups du sort fourchus. Mes chers compatriotes, ce refus de l'ennui est
salutaire, ce sens du spectacle nous honore.
Il est sans doute déjà arrivé que les Bleus viennent
et repartent sans bruit de la coupe du monde. C’est difficile à croire pour qui
vit dans la France post-Zizou, et Dieu merci ce temps est révolu. Déjà en 1958
la France avait profité d’une rare éclaircie dans sa nullité footballistique
pour nous pondre une épopée de légende radiophonique : ultime rempart de
l'Europe face à la horde brésilienne qui allait écraser le jeu pendant 10 ans,
elle résista pendant plus une heure à 11 contre 10 lors d’une demi-finale
intense... Parce qu'à l'époque, je sais pas si vous savez, mais il y avait pas
de remplacement possible et le brave Joncquet, blessé au champ d'honneur...Bon,
passons : on perd 5 à 2. Autant dire : sans ce coup du sort, tout
était possible. Après, l’équipe de France s’est appelé Saint-Etienne pendant
longtemps pour donner le change à la Fifa. Quand elle est redevenue Bleu, les
années magiques ont commencé. 1982 : Le teuton casseur de dents et
l’arbitre contracté par l’enjeu qui nous prive d’une victoire dans le Mundial. 1984 :
les premières rayures sur le maillot, Platini qui passe la balle à Platini qui
remise de la tête, qui fait faute sur lui-même et qui se fait justice en
marquant sur coup-franc ? Et 86 ? Finale gagnée contre le Brésil en
quart de finale.Et le coup de boule mérité à l'usurpateur italien niqueur de ta
mère en 2006 ? Et 2000 ?Et la victoire pour l’Eternité des éternités
en 98?
La victoire de la France, c'est toujours la victoire
d'une génération : la génération Platini, la génération black-blanc-beur.
C'est la concrétisation d'une grande œuvre nationale, putain...Et sans vouloir
faire le sociologue-historien de haut vol, vous aurez l’obligeance de remarquer
que chaque équipe de France est le reflet de la société française du moment. D'ailleurs,
quand vous regardez les noms des joueurs depuis la mort de Charlemagne, vous les
voyez pas les différentes vagues d'immigration, hein? Bah ouais, elles y
sont, les gars, c’est fabuleux, c’est un…c’est un reflet. Et ok, la chance a
aussi joué, mais en vérité je vous le dis : pour l'éternité, bordel, c'était
écrit.
Jamais, JAMAIS, l’Equipe de France ne passe
inaperçue. Mais je vous le dis aussi : gagner presque à chaque fois, c'est
vraiment trop chiant. Les anglais l'ont compris dès 1966. Et comme nous sommes
censés être cartésiens - ne l'oublions pas, ne l'oublions jamais - nous
savons au fond de nous même qu'il n'y a qu'un seul vainqueur tous les 2 ou 4
ans ; c'est peu pour tous ces féroces soldats qui viennent dans nos surfaces...Alors
le football français eut l’intelligence de remettre au gout du jour des
traditions nationales tirées du fond des âges : l’effondrement militaire,
la vacance du pouvoir, la capitulation, l’humiliation finale. La recette :
une équipe dirigeante pourrie et vaniteuse (« venez-y voir ! On fait
bloc ! Alesia/Dien Bien Phu/Maginot c’est un coffre-fort! » ) ; et
des soldats qui s’en font pas, car ils font toujours partis des meilleurs
soldats du monde, faut pas l'oublier.
Et pour avoir un vrai bon désastre, il faut avant
tout ne pas envisager autre chose que la victoire finale. Cela a l'air bête
écrit comme ça, mais il ne faut pas oublier que grâce à la génération
"98" nous avons gagné le droit de réclamer systématiquement à corps
et à cris une nouvelle victoire sans que cela n'ait un quelconque rapport avec
la qualité objective de l’équipe. Mais quoi? On n’y est pas au conseil de
sécurité des favoris éternels??! Qui dirait le contraire maintenant? Le nouveau
"rêve bleu" en gros sur le bus (ha ha ha...excusez moi, j'y repense
tout à coup...ha ha ha) ne nous fait pas seulement rêver à un max de thunes
pour nos héros, il a aussi le mérite de rendre la défaite la moins sereine qui
soit : si l'excès de pression fait sauter les bouchons de champagne, elle
fait aussi exploser la bouteille de bière oublié dans la glace (ça nous est tous
arrivé, les gars. Tous).
Perdre gentiment des matchs, c'est bien gentil mais quand
on peut se refaire la campagne de Russie, ça pèse pas bien lourd. Alors en
2002, l'équipe de France prend l'avion sous les hourras d'une foule sûre de la supériorité
des Bleus sur le reste de l’univers, débarque en Corée comme les Rolling Stones
en tournée et loge dans un hôtel contenant un casino et toutes sortes de
divertissements sympathiques. Ca marche pas trop mal : aucun but marqué.
Et on passe légèrement pour des gens prétentieux. Mais 201O c'est mieux
encore : 30 types protégés comme des témoins du FBI débarquent dans un
hôtel de luxe. Ils s'entrainent peu. Ils parlent à la presse comme s'ils
parlaient aux juges. Ils s'embrouillent entre eux. L'entraineur est nul et cela
depuis longtemps (la clé de la réussite comme nous l’avons dit), il se montre
désagréable et raconte en moyenne n’importe quoi. Ses chars sont mal placés et
ses avions ne décollent pas. Il est en retard d'une guerre, mais en même temps
comment lui en vouloir? En France, ça arrive à tout le monde.
Trois matchs ratés, climat pourri, peuple désespéré. Contrat
rempli. Au point que je m’inquiète de savoir si on pourra refaire la même un
jour. Car ce coup-ci c'est carrément
l'image de la France qui est en jeu! (Vous aussi vous êtes régulièrement agressés
verbalement par des étrangers depuis ces événements? Je commence à avoir
peur et j’ai déjà renoncé à mes prochaines vacances) Bref, une bonne vieille
débâcle comme on les aime, avec de traitres, des feignants qui mouillent pas le
maillot, des mutins, des suiveurs, des incapables, des fils de pute et un mec
qui va se faire enculer avec son système de jeu de merde.
Cela dit, la France tire vraiment sa plus-value en
matière de débâcle du savoir-faire des responsables politiques lorsqu’il s’agit
de sauver...de sauver quoi, d’ailleurs? La concomitance de ces événements
dramatiques avec la célébration d’événements anciens et dramatiques a sans
doute jouer dans la stimulante émulation qui a poussé nos gouvernants à multiplier les appels en
grande profondeur : appels pour faire pleurer, appels à réagir vite,
appels à la dignité, appels à la délation, appels à la démission, des appels à
la pelle, et surtout des appels à la refondation totale du football français
pour atténuer son malheur ou pour raviver la flamme de la résistance qui ne
doit pas s'éteindre, on ne sait plus trop.
Il y eut aussi
la convocation de la grande star devenue inutile à l'Elysée dès sa sortie de
l'avion, mais ça c'est un peu tarte : c'est bien beau d'imiter les leaders
africains de la grande époque, mais qu'en attendre? Des exécutions? Des
bannissements? Des confiscations monétaires? Des lignes à copier? De la
régulation verbale dans les vestiaires? C’est ridicule, Sarkozy n'a vraiment
pas les moyens de ses ambitions. De plus le rôle du type silencieux qui tire
les ficelles enfermé au Château est l’exemple type du contre-emploi raté. Bachelot
est plus convaincante en Sarah Bernhardt qui se transforme deux jours plus tard
en Fouquier-Tinville. Original et intéressant. Je lui mets deux T. Rama Yade
est encore bien plus crédible qui voudrait obliger les joueurs à chanter la
Marseillaise. Le Pen s'étant montré à l'époque un peu timoré sur le sujet, je
trouve très bien qu'une ministre reprenne cette excellente idée qui en plus
d'être fasciste devrait bien aider les joueurs à se mouvoir dans un 4-4-2 en
losange.
Dans l'ensemble et malgré la rentrée encourageante de
Djibril Cissé (il était pas mal, non? Vraiment?), c’était une bien bonne raclée
dont nous reparlerons ensemble dans 70 ans, car l'espérance de vie augmente! Je
ne serais pas surpris que Laurent Blanc choisisse Aimé Jacquet comme
superviseur. Et sous la figure tutélaire du vainqueur du Stade de France, la
patrie renaitra, comme toujours. Parce que l’intérêt d’un désastre, c’est le
plaisir du renouveau. Et en France tout fini par des renouveaux. Surtout des
re- !
Au fait, le mec qui a dit « La France a nui à l’image de la coupe du Monde », c’est un haut dirigeant de la Fifa. Bien, non ? Enfin un type qui a une certaine idée de la France ! Il est Brésilien ? Anglais ? Camerounais ? Chinois ? Suisse ? Honnête ? Non ! Il est français ! Bah ouais : être persuadé qu’on intéresse tout le monde alors qu’on est déjà parti, c’est ça la grandeur.
Yannick
PS : Merci d'avoir lu jusqu'au bout ce pur morceau d'hyper-pertinence, et à bientôt.